mardi 12 mai 2009

Publicité et crise : la vérité n'est pas toujours bonne à dire !


Je voulais vous faire part d'une découverte que j'ai faite aujourd'hui dans Les Echos.

Il s'agit d'une publicité pour le moins surprenante de l'agence publicitaire Bambuck, qui surfe sans ambiguité sur le mécontentement de certains annonceurs face aux coûts réputés trop élevés des prestations d'agences publicitaires de renom.

La headline (en rouge) dit : " Vous avez signé avec une agence de prestige. Et elle vous coûte les yeux de la tête."

D'entrée le cadre est donné! Et l'annonce de poursuivre (les italiques et le gras me sont propres) :

"Ce n'est pas vous qui iriez prendre des vessies pour des lanternes. Vous savez bien que la qualité produit et grande marque ne vont pas toujours de pair. Pourtant, comme si vous confondiez la performance délivrée et le prestige de l'enseigne, votre budget est toujors chez...Malgré la dureté des temps. Pourrez-vous encore longtemps rémunérer au prix fort une prestation en trompe-l'oeil? Accepter, bon prince, inertie, caprices ou laxisme du service?"

Bambuck n'hésite pas à décrire l'annonceur comme le dindon de la farce, un mix entre "provincial" (qui pense encore que l'habit fait le moine et que les marques de luxe font la qualité) et naïf (qui prend des vessies pour des lanternes et qu'en plus -bon prince- se fait plumer), qui n'a toujours pas compris que les temps ont changé et que c'est la CRISE ! Les grandes agences, avec lesquelles Bambuck a probablement du mal à se mesurer en temps normaux (on imagine bien -en lisant l'annonce- les Publicis, les McCann et autres géants à paillettes de l'univers publicitaire), en prennent également pour leur grade, accusées de services en trompe-l'oeil, d'inertie, de caprices et de laxisme, telles des divas hollywoodiennes ayant l'habitude d'imposer toutes leurs lubies à leur entourage!

Le cadre est donné et Bambuck a appuyé là où ça fait mal. Il est temps de parler de solutions et voilà ce qu'ils nous proposent : "Alors que chez Bambuck tout budget, quelle que soit sa taille, est stratégique. Là l'excellence est plus qu'un objectif. C'est la condition de la pérennité de l'agence. Avec Bambuck vous gagneriez en disponibilité, en réactivité, donc en qualité. Mécaniquement."

Pas de jugement de valeur chez Bambuck, pas de snobismes, contrairement aux grandes agences qui -elles- ne jurent que par les gros budgets ! Ils prennent tout : petits budgets ou pas, pour survivre il ne faut pas être hautains! Un peu de peur transparait quand même lors de l'évocation de "la condition de pérennité de l'agence" (dépéchez vous les gars, sinon on va couler!) et avec l'utilisation du conditionnel dans "avec Bambuck vous gagneriez en disponibilité" (si vous nous choisissiez, mais nous n'en sommes -hélas- point sûrs!). Le maître mot pour Bambuck est excellence (même si elle est ici plus l'expression d'une nécessité que d'une valeur profonde), couplée à disponibilité et réactivité. Et là, dernier coup de massue assené aux concurrents (mais les grandes agences visées sont-elles vraiment des concurrents directs pour Bambuck? A mon sens c'est là que le bât blesse...).

"Pas de trains de vie de stars à financer. Ni dommages collateraux pour votre communication : la copy strat confiée au stagiaire conventionné, la campagne du free-lance pondue dans la nuit... le tout vendu, une fortune, comme l'expression la plus aboutie des génies qu'on vous a présentés à la signature du contrat. Vous devriez consulter Bambuck. Avant qu'il ne vous reste plus que les yeux pour pleurer."

Blanc... Désarroi... Un ange qui passe... Et c'est après cette dernière phrase aux accents aigris, que le lecteur se demande sérieusement si ce n'est pas Bambuck qui a confié l'expression la plus aboutie de sa campagne presse à un stagiaire conventionné !

Appuyer où cela fait mal c'est de bonne guerre, mais là on se demande franchement si Bambuck n'est pas en train de nous rejouer DonQuichote contre les moulins à vent ! Toute la dernière tirade semble pervadée d'une jalousie latente et mal placée envers des concurrents aussi enviés qu'inatteignables (et qui doivent d'ailleurs bien se marrer de ces tentatives maladroites de leur porter préjudice). On se demande de surcroît si -pour connaitre si bien l'envers de la médaille (stagiaires inexpérimentés, free-lance oisifs, ...)- Bambuck ne l'a pas un peu pratiqué aussi...

Petite agence deviendra grande? Avec cette communication un peu trop "sincère" (voir complètement "outspoken", comme diraient les anglais) je ne suis pas sûre que Bambuck marque vraiment des points. Plusieurs éléments en font -à mon sens- un exemple de publicité non réussie, voir carrément agaçante.

Tout d'abord le visuel, plutot "cheap" (je vous avoue avoir pensé à une pub "maison" réalisée avec deux employés de l'agence et un appareil photo bon marché). On dirait la publicité pour une école de langues de deuxième catégorie...

Ensuite le texte, écrit en petit et beaucoup trop long. Je ne sais pas si beaucoup de personnes ont pris le temps de le lire en entier, comme je l'ai fait, mais j'en doute.

Et finalement (last but not least) le contenu du texte : même si des vérités certaines y sont assenées, est-ce que ces vérités contribuent réellement à mettre en valeur Bambuck? Je ne le pense pas.

La volonté clairement affichée de Bambuck est de s'attaquer aux annonceurs de taille moyenne qui envisagent, par le choix d'une agence prestigieuse, rentrer dans la cour des grands. Mais comment imaginer détruire leur rêve en mettant en avant des considérations purement économiques ? Hélas, le choix d'une agence dépasse la seule recherche d'efficacité, la simple maximisation du couple produit-prix. L'image est un facteur fondamental et l'image de l'agence sélectionnée retentit sur l'image de marque de l'annonceur. Est ce que les campagnes Nespresso-Clooney auraient la même valeur s'il y avait Bambuck à la place de McCann en coulisses ? Pas si sûr... Car la publicité est et reste fondamentalement une histoire de réseaux et de réseaux d'influence qui se construisent aussi (voir surtout) avec de l'argent, beaucoup d'argent. Et tout le monde se prête au jeux en y trouvant son compte. C'est peut-être provincial, mais, si en mettant du Dior (comme Carla Bruni) on se sent plus importants et mieux acceptés dans la "haute société" à laquelle on aspire, on continuera de le faire, même si c'est un nonsense économique.

Bambuck ferait mieux de dépenser ses énergies et ses sous (une pleine page dans Les Echos ne doit pas être donnée) pour se construire une image de marque forte, convaincante et qui lui appartienne, plutôt que de se définir par opposition à des concurrents qui -finalement- n'en sont pas (car ils ne jouent pas dans la même cour).

Le résultat obtenu est à l'opposé de celui recherché : à la place de se démarquer Bambuck s'enfonce dans les lieux communs et joue les mauvais perdants. Mais les clients potentiels ont horreur des "loosers"....

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